Lancement du satellite SWOT

La mission spatiale "Surface Water Ocean Topographie" est le fruit d'une longue collaboration entre la NASA et le CNES. De nombreux chercheurs et ingénieurs du LOPS ont contribué à définir les performance de l'instrument révolutionnaire KaRIN qui permettra de mesurer le niveau de la mer avec beaucoup plus de détails. Le lancement s'est déroulé sans accroc  à 12h46 le  16 décembre 2022. Pour les dernières infos, voir le blog de la NASA.

KaRIN, un instrument d'un nouveau genre? 

L'océan est observé par des  satellite équipes d'altimètres depuis le début des années 1990 avec les missions spatiales ERS-1 et TOPEX-POSEIDON. Ces altimètres mesurent le niveau de la mer, la hauteur des vagues et la vitesse du vent, et ont permis une révolution dans l'observation de la dynamique océanique. En particulier les variations du niveau de la mer sur des distances de 10 km et plus sont associé la présence de courants marins (courants de bord ouest comme le Gulf Stream,  tourbillons ...) mais aussi la signature de monts sous-marins (à cause de leur effet sur le champ de gravité) et bien sûr la marée, que l'on connaît beaucoup mieux grâce à ces satellites. Cette mesure de la dynamique océanique permet de "voir"  la circulation océanique à des échelles spatiale supérieures à 200 km et son évolution dans le temps à l'échelle du mois. Peut-on voir plus de détails?

En effet, si cette "mesoéchelle" nous donne la position des anticyclones et basses pressions océaniques, la "météo de l'océan", les mouvement ascendants qui régulent l'apport de nutriments dans les couches de surface, est pilotée par des fronts qui sont présent sur des échelles beaucoup plus fines et qui évoluent beaucoup plus rapidement.  Pour ce rapprocher de ce niveau de détail il est indispensable d'avoir des images moins floues de la surface.

D'autres techniques que l'altimétrie peuvent fournir de telles images, c'est en particulier le cas des radars à synthèse d'ouverture (SAR) comme les SAR des missions Sentinel 1, sur lequel le LOPS travaille pour la mesure des vents, vagues et courants.

En combinant 2 SARs de part et d'autre de la trace au sol du satellite on peut accéder à une carte de la topographie de la surface, c'est le principe de l'instrument KaRIN embarqué sur SWOT, il s'agit de la technique de Across-Track-Interferometry SAR (XTI-SAR). Au passage, si les deux antennes sont alignées avec la trace au sol on a alors accès à la vitesse de la surface (on parle alors de ATI-SAR, qui est le principe de la mission HARMONY).

Des mesures XTI-SAR ont déjà été réalisés pour cartographier les surfaces émergées, c'est le cas de la campagne SRTM sur la navette spatialle américaine, ou de la mission spatialle allemande Tadem-X. Mais avec SWOT c'est la première fois qu'une mission spatiale s'attaque à la mesure de la topographie marine. 

SAR-XTI sur l'océan: une première

Mesurer la topographie de l'océan est beaucoup plus compliqué que la topographie terrestre: la mer bouge, avec des vagues de plusieurs mètres de hauteur et des vitesses verticales de l'ordre du mètre par seconde, et il faut filtrer ces effers pour accéder à la signature des courants.  Par ailleurs les chercheurs du LOPS ont travaillé sur d'autres phénomènes qui perturbent le niveau de la mer local: en particulier les ondes internes, mais aussi les ondes infragravitaires. La préparation de la mission SWOT a donc nécessité de nombreux travaux théoriques et des simulations numériques très détaillées. Toutefois, on n'a encore jamais eu de données de niveau de la mer qui ressemble à ce que mesure KaRIN, on aura donc peut-être des surprises. Le travail en cours vise à se préparer à vérifier la qualité des données SWOT (campagne C-SWOT en collaboration avec le SHOM) et analyser des données complémentaires. En effet, avant leur combinaison pour faire une carte de niveau de la mer ("SSH"), les images SAR devraient montrer la "rugosité" de la surface (la puissance reçue par KaRIN) qui dépend du vent et des variations de courant qui modulent le champ de vagues, comme illustré ci-dessous.

Quelles retombées pour la recherche océanographique et quelles applications? 

Observer les détails de la circulation océanique est important pour comprendre comment marche la "machine océan" et confronter les théories et modèles numériques qui représentent l'évolution des courants et tourbillons avec un tranfert d'énergie vers les grandes structures de la circulation et aussi vers les plus petits tourbillons et filaments, jusqu'à la dissipation. La zone côtière et les hautes latitudes sont des régions ou les tourbillons sont particulièrement petits et très difficiles à observer avec les altimètres actuels. 

Le LOPS va aussi continuer à travailler sur l'influence des courants sur les vagues: en effet les varations de courant sont responsable de fortes amplifications locales du courant. On peut observer les  varations de hauteur de vagues par les altimètres actuels, mais par contre, la simulation des vagues avec les courants actuels sous-estime beaucoup l'effet réel car les gradients de courant sont trop faible dans les la vision "floue" donnée par les altimètres actuels. Les courants calculés à partir des données SWOT devraient donner une nette amélioration, avec une résolution effective de l'ordre de 50 km, en attendant de futures missions spatiales dédiées à la mesure des courants comme par exemple HARMONY ou ODYSEA. 

L'image ci-dessous, tirée de la thèse de Gwendal Maréchal montre l'impact de la résolution spatiale de courants simulés sur les variations de hauteurs de vagues dans la région du courant des Aiguilles. 

Plus de détails : communiqué de presse de l'Ifremer